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Regards sur la trisomie 21
12 avril 2010

TEMOIGNAGE POUR UNE CLASSE DE TERMINALE - novembre 2009

P4240534Mon petit garçon Eloi est le dernier de 5 enfants. Il vient d'avoir 6 ans et est atteint de T21. Le message que je suis venu vous donner aujourd'hui est très simple : Éloi est un enfant qui croque la vie à pleines dents et personne n'a le droit de penser qu'il aurait été mieux qu'il ne naisse jamais. Ni vous, ni moi, ni les députés, ni surtout les médecins n’ont de légitimité pour affirmer que mon fils a moins le droit de vivre que n'importe quelle autre enfant.

Cette conviction repose sur une autre qui est aussi très simple : un enfant trisomique n'arrive pas dans la vie avec un lot de misères et de tristesse plus grand qu'un autre enfant. Probablement même apporte-t-il plus de joie et de simplicité qu'un autre parmi les gens qui l'entourent.

Ces convictions qui sont pour moi des évidences, le sont aussi pour mon mari et pour mes enfants.

Malheureusement ce ne sont pas celles de la société d'aujourd'hui qui tente de nous convaincre que nous avons le pouvoir de choisir les enfants qui ont le droit de naître.

Bien sûr, il est de notre devoir d'homme de tout mettre en œuvre pour prévenir le handicap. Personne ne souhaite avoir un enfant handicapé. Dépister le handicap avant la naissance n'est pas une hérésie en soi. Du moins, ça ne serait pas si nous avions consenti autant d'efforts scientifiques à apprendre à guérir ou freiner le développement du handicap qu’à le dépister. Ce qui est une hérésie, c'est d'avoir développé des méthodes scientifiques de dépistage dans le seul but de supprimer les enfants à naître qui ne correspondent pas au format communément admis dans notre société. Cette hérésie à un nom : c'est l'eugénisme.

Mais je ne suis pas venu ici pour faire un réquisitoire contre ces pratiques qui pourtant me font souffrir lorsque je contemple le sourire de mon fils.

Je suis venu vous dire qu'il est possible d'accueillir dans une famille un enfant trisomique sans que la vie s'écroule. C'est vrai dans le cas d'une naissance et c'est d'autant plus vrai pour ceux qui, courageux, décident d'adopter un enfant qui porte ce handicap. C'est non seulement possible mais l'expérience montre que chacun en tire d'énormes bénéfices pour sa propre vie personnelle.

Bien entendu, comme la plupart d'entre vous sans doute, je n'étais pas prête à entendre ce discours avant d'être moi-même confronté avec ce je croyais être un problème.  Ou du moins, même si je le comprenais et avais beaucoup de compassion pour les familles d'enfants handicapés, j'espérais bien n'être jamais concernée.

Pas de bol !

Je vous souhaite bien sûr de n'être jamais concerné. Ou alors de manière volontaire dans des œuvres de bénévolat par exemple. Mais si malheureusement l'un ou l'autre d'entre vous était amené à faire un choix lors de l'arrivée d'un enfant trisomique, je souhaite qu'il se rappelle le message de joie et l'espérance que je suis venu vous apporter ce matin. D'ici là, vous pourrez le ranger, bien plié, tout au fond d'un tiroir.

Je n'ai découvert la trisomie 21 de mon fils qu’après sa naissance. Même si j'avais une intuition curieuse, un pressentiment qui me rendait mal à l'aise, qui provoquait d'affreux cauchemars représentant mon enfant avec toutes sortes de malformations, aucune indication objective ne m'avait préparé à la naissance d'un enfant trisomique. Je n'ai pas voulu effectuer de dépistage pour les raisons dont je vous ai parlé tout à l'heure. Il n'était pas question pour moi de supprimer un enfant volontairement parce qu'il aurait eu une malformation. Car en cas de dépistage positif, la seule alternative qui m'aurait été proposée aurait été de tuer mon bébé. Je crois profondément à l'intuition du professeur Lejeune et je sais qu'un jour les médecins pourront proposer aux futures mamans une autre alternative : celle d'un traitement médical qui parviendrait à juguler ou éradiquer le handicap.

Pour en revenir à la naissance d’Eloi, je n'ai donc pas été confrontée à ce choix pendant ma grossesse. Vous me direz qu'il a sûrement été plus facile, une fois mise devant le fait accompli, d'accepter ce bébé. Vous aurez sûrement raison. Car en effet même si l'annonce officielle de son handicap a été un peu cinglante, je n'ai jamais senti un seul instant que je pourrais aimer cet enfant moins que les autres ni même différemment. Mon amour maternel - mais je peux dire aussi en parlant pour mon mari "notre amour de parents" - n'a jamais été affecté par l'annonce du handicap.

À l'annonce  du verdict, malgré tout, j’ai était envahi d’une grande frayeur : « je ne vais pas être a la hauteur ». Au secours que cela fait peur ! Et immédiatement j’ai senti le ciel me venir en aide et m’apaiser devant mes craintes de mère : « on te le confie ; fait du mieux que tu peux et aime-le ». Quel apaisement !

Il ne s'agit en effet, au départ que d'un discours qui n'a pas de vraies réalités concrètes à vos yeux. Ce bébé était si peu différent des précédents. Mon médecin n'a d'ailleurs remarqué d'anomalies que le lendemain de la naissance à cause d'un doute de sa sage-femme. Et même si j'ai vu dés le premier regard posé sur mon bébé qu'il serait différent, je ne pouvais pas vraiment dire pourquoi.

C'est donc sans aucune tristesse ni abattement que nous avons instinctivement accueilli ce bébé dans la joie. Je suis même très fière de raconter que nous avons dû remonter le moral de mon gynécologue, très ému de voir que nous pouvions aimer ce bébé sans condition. C’est lui qui nous a confié que 80% des bébés trisomiques qui arrivaient jusqu'à la naissance étaient abandonnés.

Sa vie de bébé s'est passée sans encombre. Bien sûr nous avons dû procéder à toute une série de tests et de contrôles médicaux pour nous assurer qu'aucun problème important n'était venu accompagner son handicap. Un petit problème cardiaque mineur nous a occupé de temps en temps durant ses deux premières années mais rien de plus.

Nous savions bien sûr déjà qu'avec la croissance, le handicap se révélerait petit à petit. Mais, avec Éloi nous avons vite appris à vivre son handicap au jour le jour sans nous miner le moral avec les hypothèses les plus noires que d'aucuns, parfois très indélicats, échafaudaient pour notre avenir et le sien.

Insouciants peut être mais heureux c'est sûr, nous continuons à accompagner le retard de notre enfant. Comme la plupart des enfants trisomiques, Éloi a marché tard et a dû être accompagné, d'abord par un kinésithérapeute puis par un psychomotricien. Ces précautions ont probablement donné quelques résultats mais nous ont surtout rassurés, nous ses parents et peut-être aussi ses frères et sœurs en nous disant qu'on faisait quelque chose d'utile pour lui.

Aujourd'hui Éloi ne parle pas encore vraiment mais lui ne dit pas de gros mots dans la cour de récréation. Il ne sait pas encore pédaler à vélo mais il ne s'arrache pas les genoux sur le bitume en dérapant sur les gravillons. En effet donc, il commence à accuser un certain retard par rapport aux enfants de son âge. Mais après tout, il a tout son temps et nous aussi. Même s'il arrive à accumuler en un temps record un nombre inimaginable de bêtises, leur gravité est proportionnelle à ce même retard. C'est-à-dire que si, à six ans, il se comporte encore comme un enfant de quatre, il fait aussi bêtises d'un enfant de quatre ans. Et vous qui prévoyez bientôt d'échapper à vos parents, vous savez bien que la gravité de bêtises s'accroît avec l'âge.

Malgré tout Éloi ne profite d'aucun traitement de faveur à la maison. Ni avec ses parents, ni avec ses frères et sœurs. La différence, c'est qu'on exige de lui ce qu'il est réellement capable de faire et non ce que serait capable de faire un enfant de son âge.

Il nous arrive donc bien entendu d'être exaspéré par ces bêtises à répétitions, par sa tête de mule, par son rire en cascade quand on essaie de le gronder, par ses pitreries décalées aux moments les plus sérieux. Mais sur six, il s'en trouve toujours au moins un pour voler à son secours au moment où les autres voudraient bien l'écorcher vif. Rien que de très normal donc dans une famille.

Éloi va à l'école depuis trois ans et demi. Il nous ramène de beaux cahiers, de beaux bricolages, (de belles angines aussi) et en revient très content.

Depuis cette année, au sein d'une école primaire normale, il est dans une classe spécialement dédiée aux enfants trisomiques afin qu'il puisse apprendre à son rythme avec des méthodes qui lui sont adaptées. Mais l'environnement des autres élèves lors de la récréation ou des activités parascolaires le force à se confronter aux autres. Un jour viendra sûrement où, de ce fait et grâce aussi à sa vie de famille, il prendra conscience de sa différence et de son retard dans beaucoup de domaines. De leur côté les autres commencent aussi à comprendre tout ce qu'ils peuvent recevoir d’Eloi malgré ce retard.

Nous sommes bien entendus conscients que son développement plus lent que la moyenne n'atteindra pas non plus le niveau moyen des enfants de son âge. Mais après tout, encore une fois, si l'on n'est pas pressé, on peut décider que ce n'est pas un problème.

Et cette course lente vers le progrès que nous encourageons malgré tout s'accompagne d'une telle profusion de satisfactions que la pilule n'est pas très dure à avaler. Eloi nous rappelle à la joie lorsque nous sommes tristes. Il nous rappelle à la simplicité lorsque nous sommes empêtrés dans nos complications. Sa candeur nous rappelle combien nos calculs et nos égoïsmes nous rendent malheureux alors qu'avec si peu, en apparence, il semble, lui, si heureux. Sa joie déteint très vite sur tous ceux qui l’entourent d'une manière très surprenante.

Devant ce tableau, si loin de la noirceur que certains ignorants de la trisomie 21 voulaient bien nous dépeindre, le plaidoyer pour ses enfants n'a plus beaucoup de mérite. Les quelques efforts matériels et d'organisation que leur éducation exige son tellement récompensés par leur joie de vivre qu'il faudrait être un monstre pour continuer à penser qu'ils n'ont pas le même droit de naître que les autres.

Nous devons croire au bonheur des personnes handicapées mental.

Le retard mental dont souffrent les personnes T21 est parfaitement compatible avec une vie heureuse pour elles et pour toute leur famille.

Il est injuste de dire et de penser que leur vie ne mérite pas d’être vécue : ils sont parfois bien plus aptes au bonheur que nous. Je le vérifie tout les jours avec Eloi!

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Commentaires
7
Merci beaucoup pour ce témoignage
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G
bonjour,<br /> <br /> chère Sabine qui m'avait envoyé un si gentil message.<br /> <br /> J'ai finalement fait une ponction et les résultats sont bons, notre petit garçon n'a pas la trisomie. Nous avons parcontre été contents du suivi à l'hôpital, un médecin qui a pris son temps et qui était très rassurant. bravo!<br /> <br /> Je vous souhaite à tous une belle fête de Pâques, Geraldine
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G
J'ai 39 ans et j'ai eu de mauvais résultats lors de clarté nucale et la prise de sang. 1/8 est le risque. donc mon gynéco a prévu une biopsie du trophoblaste pour la semaine prochaine. Je suis vraiment fachée d'avoir accepté ce test car pour mon mari et moi-même, nous accueillerons ce que nous recevrons. Faire un bebe, ce n'est quand-même pas comme acheté un téléviseur.... "satisfait ou remboursé"! Je suis fachée car ces résultats me rendent triste et inquiète, alors que je veux être sereine pour mon bebe. Bien sur, je ne peux pas m'empêcher de googler ce qui se dit sur la trisomie et votre témoignage me rassure, car il est clair que le doute s'installe et que je commence à me demander quel va être le résultat du test. Bref, si on a encore une grossesse à vivre un jour, je ne ferai plus ces testes qui amènent stress, doute et inquiètude. <br /> <br /> Merci. Geraldine
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D
Bonjour, je viens de lire votre article nous sommes parents d'une petite fille porteuse de T21 et nous n'aurions pas pu mieux formuler que vous ce que nous ressentons. En effet nous aurions parfaitement pu être les auteurs de votre texte à la virgile près.<br /> Avec la différence toutefois que nous avons fait le choix du dépistage prénatal sans aucune hésitation sur notre choix au moment du diagnostic<br /> tout en devant non-pas "consoler" le gynéco mais lutter contre ses arguments pro-euthanasie.<br /> Ce diagnostic prénatal nous a permis de préparer la venue de notre petite fille et d'être sereins le jour de la naissance: la plus grande joie au moment de la naissance de l'un de nos enfants et l'arrosage au champagne à la maternité, quitte à passer quasiment pour des fous. Depuis ce sont des joies quotidiennes et tout comme vous le ressenti d'une certaine fierté
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E
J'admire enormément toutes ces jeunes mamans, bravo pour votre courage, et tous ces témoignages, merci à Christine, il faut continuer à signer la pétition et soutenir Eleonore contre cette nouvelle loi. rendez vous sur www.lesamisdeleonore.com !
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